Le séminaire PREMAN au colloque DHNord2022 (21 juin 2022)

Blandine Perona (UPHF) et Anne Réach-Ngô (Université de Haute-Alsace) présenteront le séminaire PREMAN (mon Projet de Recherche avec EMAN) au colloque DHNord2022 “Travailler en Humanités numériques” :

“Séminaire PREMAN : de la formation à la compétence collective” (mardi 22 juin 2022)

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Résumé de la communication

Le manifeste des Digital Humanities rédigé en 2010 affirme un projet d’« édification d’une compétence collective s’appuyant sur un vocabulaire commun, compétence collective qui procède du travail de l’ensemble des acteurs » (article 12). Cette compétence collective qui nécessite un idiome partagé ne peut se faire sans formation. C’est également un point fort du manifeste qui réclame « l’intégration de formations aux digital humanities au sein des cursus en Sciences humaines et sociales, en Arts et en Lettres ».

Nous nous proposons de penser cette notion de « compétence collective » à la lumière d’une expérience de formation dans le cadre du séminaire PREMAN, séminaire de formation animé par Anne Réach-Ngô depuis 2020,  qui ne s’insère pas dans le cadre d’un diplôme universitaire, mais peut plutôt se penser comme l’émanation d’une communauté réunie autour de la plateforme EMAN qui se définit ainsi : « EMAN (Édition de Manuscrits et d’Archives Numériques) est une plate-forme de publication numérique pour la diffusion et l’exploitation de documents et de fonds d’archives ».  Comme le rappellent Richard Walter et Anne Réach-Ngô, le « développement ces dernières années des Humanités numériques a conduit à interroger le rôle des outils informatiques dans le traitement, l’analyse et la publication des données dans le champ des SHS. La plate-forme EMAN (Edition de Manuscrits et d’Archives Numériques : www.eman-archives.org) constitue à cet égard un terrain d’expérimentation particulièrement précieux pour interroger l’impact du numérique dans la conduite des projets de recherche ». Nous explorerons plus précisément l’idée – qui affleure dans le manifeste des digital humanities – selon laquelle la formation au sein d’une communauté pluridisciplinaire qui réunit chercheurs, chercheuses et ingénieur.e.s de recherche relève déjà d’une forme de collaboration, entendue comme élaboration d’une compétence collective.

Deux chercheuses, Anne Réach-Ngô et Blandine Perona, qui étudient toutes les deux des textes de la première modernité, se proposent de croiser leur perspective – celle de la formatrice depuis longtemps intégrée dans la communauté EMAN et celle d’une personne formée dans le cadre du séminaire PREMAN 2021-2022 qui découvre le fonctionnement de cette communauté – afin d’analyser le processus qui consiste à s’approprier un outil numérique, à savoir une bibliothèque numérique EMAN en élaborant, progressivement, une bibliothèque singulière qui répond à un questionnement scientifique donné.

Il s’agira d’une part de penser, en termes éthiques, ce que signifie l’intégration d’un individu chercheur.e, via le séminaire,  à une communauté qui développe un outil numérique et d’autre part, d’analyser comment le séminaire a pu modifier les méthodes de recherche en produisant un nouvel objet scientifique, une bibliothèque numérique singulière qui peut être pensée comme le reflet d’une investigation qui vise ensuite à devenir un espace commun de nouvelles recherches (Réach-Ngô, Anne (2019). Le site des Thresors de la Renaissance, de la bibliothèque numérique du chercheur à la bibliothèque imaginaire de l’utilisateur, Réforme, Humanisme, Renaissance, n° 88, p. 149-179. https://doi.org/10.3917/rhren.088.0149)

Enjeux sociologiques et éthiques

On pourra envisager le séminaire comme une communauté dans la communauté. Le séminaire a la particularité d’être composé seulement de femmes littéraires ou spécialiste de design et d’architecture. On sait que l’informatique est un domaine où les femmes sont peu représentées (Stevens, Hélène (2016), « Mais où sont les informaticiennes ? », dans Travail, genre et sociétés 2016/2 (n° 36), p. 167- 173). Les effets et les raisons de cette absence de mixité pourront être interrogés. En outre, suivent le séminaire des chercheuses à différents stades de leur carrière : doctorantes, maîtresses de conférences et professeures d’université. On pourra se demander si la mise en commun d’interrogations et de difficultés dans un processus de formation et de recherche à différentes étapes d’un parcours relativement codifié ne crée pas une forme d’horizontalité plus naturelle que dans d’autres formes plus traditionnelles de séminaires.

Un autre enjeu éthique concerne la relation avec les ingénieur.e.s de recherche qui mettent à disposition un outil qu’ils ou elles ont élaboré. Est-ce que la collaboration effective ne relève pas aussi d’une relation qu’on pourrait dire contractuelle ? Ne serait-il pas intéressant de mettre au jour des obligations implicites des chercheurs et chercheuses ?

Enjeux épistémologiques

La création d’une bibliothèque numérique implique la maîtrise de compétences qui relèvent de plusieurs champs : elle oblige à s’intéresser à la matérialité des documents, aux nouveaux modèles standards de catalogage qui invitent à penser en termes données et base de données. Elle contraint à un systématisme méthodologique qui n’est souvent pas familier des littéraires et ouvre à une approche quantitative qui leur est moins familière encore. La recherche en littérature peut alors se penser aussi en termes de « production » mais aussi de « traitement » et d’ « exploitation » de données qui implique une conscientisation de la démarche et un processus constant de documentation, inhérent à la gestion de projet. Ce sont ces changements épistémologiques que nous souhaitons présenter, tout en soulignant qu’ils ne sont pas non plus disjoints d’une éthique de la recherche du fait que la plateforme EMAN a bien entendu dans son cahier des charges la production de données qui soient communiquables, partageables et réutilisables selon les principes FAIR. C’est alors la notion même de « communauté de recherche » qui mérite d’être interrogée.

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